Modélisation de la circulation thermohaline
:
analyse de sa variabilité inter-décennale.



  Le rôle de la circulation océanique grande-échelle dans la variabilité du climat est étudié à l'aide de modèles numériques basse-résolution de la circulation thermohaline, développés à partir des équations planétaires-géostrophiques en géométrie idéalisée. Dans un premier temps, sous condition de relaxation des températures de surface, on analyse l'influence de la paramétrisation de la dissipation de la quantité de mouvement et des conditions aux limites associées. Ces dernières se révèlent prépondérantes pour la circulation thermohaline et contrôlent la compensation horizontale ou verticale des courants géostrophiques perpendiculaires aux frontières latérales : par exemple, l'ascendance d'eau froide à la base du courant de bord ouest (l'effet "Veronis", critique pour le tranport de chaleur) varie presque d'un ordre de grandeur suivant le type de condition choisi. L'influence de l'opérateur de viscosité est relativement faible et concerne principalement la précision des équilibres géostrophiques et de Sverdrup. On peut différencier deux types de comportement, suivant que les modèles implémentent une condition de non-glissement (type Modular Ocean Model du GFDL) ou d'imperméabilité permettant des vitesses tangentielles le long des frontières. Les premiers génèrent par continuité des transports verticaux très importants le long des bords, principalement à travers les isopycnes, ce qui induit des cellules zonales et méridiennes très intenses, des eaux de fonds peu froides, une thermocline moins marquée, et finalement un transport de chaleur vers les pôles plus faibles. Les seconds réduisent les vitesses verticales et la dissipation de vorticité le long des bords en associant aux étirement/compression des colonnes fluides les déplacements nord-sud réalisant la variation de vorticité planétaire : on observe alors un meilleur accord entre régions de plongée d'eau et zones de convection profonde. Des eaux profondes plus fraîches et une thermocline plus stratifiée intensifient le transport de chaleur advectif vers les pôles, malgré des cellules zonales et méridiennes fortement réduites. Ces conclusions promeuvent une étude plus poussée des paramétrisations des couches limites latérales dans les modèles de circulation générale océanique et de la réalité de l'upwelling dans le courant de bord ouest.
  Sous conditions de flux de chaleur constants en surface, ces modèles produisent des oscillations inter-dŽécennales très marquées, dans une large gamme réaliste de paramètres, et robustes ˆà diffŽérentes paramŽétrisations des processus sous-mailles (mélange isopycnal, advection par les tourbillons méso-échelle) ou du forcage (vent, relaxation des températures de surface avec des constantes de temps "radiatives"). Une étude extensive de sensibilité aux paramètres révèle un mécanisme géostrophique, tridimensionnel, principalement amorti par la diffusion horizontale (les valeurs critiques étant proches de celles couramment utilisées à cette resolution). En contradiction avec certains mécanismes proposés dans la littérature, une excitation de la variabilité par l'instabilité barocline du courant de bord ouest (dans la région de séparation de la côte) est mise en évidence et reproduite dans le modèle minimal (2 1/2 couches) permettant cette instabilité. Les taux de croissance théorique et mesuré sont en bon accord avec les taux d'amortissement critiques observés (diffusion, relaxation). La période inter-décennale apparaît probablement comme un mode résonnant du bassin en terme d'ondes de vorticité potentielle sur la stratification et la circulation moyennes. Malgré le nombre de processus négligés ou grossièrement paramétrisés, ces modèles reproduisent un certain nombre des caractéristiques de la variabilité observée dans l'Atlantique Nord, mais des expériences en géométrie et forcage réalistes, ainsi qu'à haute résolution, restent nécessaires pour valider ce mécanisme.