Cours ISEB 6. Ondes Océaniques

Océanographie - Environnement



Ondes Océaniques


A) Généralités


1. Introduction

Cette partie du cours est notamment consacrée à l'étude des vagues et de la houle, aussi appelées ondes de gravité externes parce que leur dynamique est gouvernée par la gravité, g, et que l'amplitude des mouvements associés est maximale en surface et décroît très vite avec la profondeur.

Les périodes de ces ondes est de l'ordre de la dizaine de secondes: w >> N >> f (dans l'océan N vaut environ 10 fois le paramètre de Coriolis).

Elles affectent les premières couches océaniques, où la densité de l'eau de mer est pratiquement constante (r = r0), et les effets de la stratification peuvent être négligés pour leur étude.

Elles sont excitées par le forçage atmosphérique (fluctuations de pression et frottement). Les longueurs d'onde étant assez petites, elles sont assez peu influencées par les conditions aux limites latérales, et peuvent être considérées comme des ondes libres, à caractère fortement aléatoire: la description du champ de vagues fait appel à des notions statistiques (hauteurs et périodes significatives), qui varient à des échelles d'espace très grandes devant les longueurs d'onde des vagues les plus longues, caractéristiques du forçage atmosphérique synoptique.


Les champs de vagues ont une action sur la navigation et les installations offshore, et peuvent dans certains cas compromettre la sécurité ou le rendement des exploitations. S'il est évident qu'une mer forte entrave la progression d'un navire (et augmente d'autant sa consommation de carburant), l'impact sur les plates-formes de forage est moins connu.

Certains types de vagues peuvent engendrer des phénomènes de résonance mécanique de certaines structures offshore (accroissement incontrôlable du pilonement, roulis, tangage, ...) susceptibles d'endommager un matériel très coûteux si les mesures préventives n'ont pas été prises grâce à une prévision d'état de mer.

Quoi qu'il en soit, les états de mer extrêmes diminuent le rendement économique moyen des installations offshore, et la prévision des états de mer peut avoir un impact économique sur ces activités, comme sur le routage des navires.


Par leur vocation opérationnelle de gestion et de diffusion de l'information concernant l'environnement, les offices météorologiques sont tout désignés pour mener à bien la prévision opérationnelle des états de mer et sa valorisation: en effet les champs de vent prévus sont les "moteurs" des modèles de prévision de vagues.

De plus, les observations des navires étant rares, le plus souvent subjectives (observations visuelles), partielles et souvent de qualité médiocre, les champs de vagues sont diagnostiqués et prévus par les modèles, qui fournissent la seule image cohérente, tant du point de vue de la cohérence spatiale du champ que celui de la cohérence avec le forçage atmosphérique. C'est ainsi que la prévision opérationnelle des états de mer relève naturellement de la météorologie marine.


L'archivage des champs issus de tels modèles constitue une information climatologique bidimensionnelle. Des études statistiques sur de telles données permettent, pour un site donné, l'évaluation des risques d'exploitation et du rendement potentiel d'une installation offshore: on peut ainsi en fonction de la statistique d'état de mer et des contraintes d'exploitation de forage choisir un type de plate-forme adapté.


Le spectre couvert par les ondes de surface est vaste (Figure 1). Un paragraphe de ce chapitre traite plus particulièrement des phénomènes de marée. Du fait de leurs échelles, ces ondes océaniques ne peuvent être assimilées à des ondes libres (à la différence des vagues).


2. Grandeurs caractéristiques d'une onde idéalisée (sinusoïde)

hauteur, h, entre creux et pic; double de l'amplitude, a, de l'onde

longueur d'onde, l, distance entre deux pics successifs, et nombre d'onde, k (= 2p / l)

cambrure, h/l période, T, fréquence, f (= 1 / T), et pulsation, w (= 2p / T)


3. Généralités sur les ondes à la surface d'un fluide

Une onde transmet une perturbation d'un endroit à un autre dans un milieu considéré, comme les rides à la surface d'un étang (après jet d'un caillou).

Le mouvement général du fluide est peu affecté par la propagation de l'onde, comme le montre par exemple le comportement d'un bouchon de liège à la surface d'un étang perturbé par des "rides".

La forme de l'onde est peu modifiée au cours de son déplacement.

La propagation (de la perturbation) paraît se faire à vitesse constante.

Bien que le fluide ne soit pas en apparence modifié, il y a bien transport d'une quantité: l'énergie.


En fait, une observation attentive des particules du fluide au moment où l'onde se propage à la surface d'un étang permet de vérifier qu'il y a en fait mouvement, presque circulaire, dans un plan vertical parallèle à la direction de propagation de l'onde.

Les particules d'eau s'écartent donc d'un état d'équilibre sous l'effet d'une force donnée, puis y reviennent sous l'effet d'une autre force à préciser. La nature de ces forces est souvent utilisée pour classifier le type du mouvement ondulatoire.


4. Types d'ondes

Les ondes les plus couramment étudiées sont des ondes dites progressives: l'énergie se propage à travers le fluide (où à sa surface). Une onde stationnaire (comme celle qui correspond à une corde de guitare qui vibre) peut être considérée comme la somme de deux ondes progressives de mêmes dimensions, mais de directions de propagation opposées.

Selon la force qui tend à ramener vers l'équilibre les particules de l'eau en mouvement lors du passage d'une onde, on peut différencier:

- les ondes capillaires, où ce sont les phénomènes de tension superficielle qui agissent. Leur longueur d'onde est a priori inférieure à 1.7 cm;

- les ondes de gravité, où l'accélération verticale de gravité agit. Ces ondes englobent les ondes crées par le vent, les tsunamis, les marées. Leurs longueurs d'onde s'étendent entre quelques centimètres et plusieurs kilomètres (tsunamis).

Une onde interne dans l'océan correspond à une onde qui se propage à l'interface entre deux couches de caractéristiques différentes. Une onde de surface intéresse exclusivement la frontière entre l'océan et l'atmosphère. Les ondes internes océaniques sont a priori plus aisées à créer que les ondes à l'interface air/mer, puisque la différence de masse volumique concernée est moindre (et moins d'énergie est ainsi nécessaire, à amplitude d'onde donnée égale).

Les ondes de surface peuvent être créées par un différentiel de mouvement entre la couche océanique et la couche atmosphérique (effet du vent sur la mer), ou par une force extérieure qui agit sur le fluide.

Les ondes océaniques causées par des forces périodiques, comme l'effet de la lune ou du soleil pour les marées, vont avoir une période qui coïncide avec celle du forçage. Les autres ondes (les plus courantes) résultent d'une perturbation apériodique de l'océan.


Toutes les ondes océaniques ne correspondent pas à un déplacement dans un plan vertical. La variation de la vorticité planétaire tend à infléchir la direction des courants océaniques et atmosphériques, et fournit une force qui établit des oscillations dans un plan horizontal (ondes planétaires, appelées aussi ondes de Rossby).



B) Les ondes de gravité externe (ou de surface)


Comme précédemment mentionné, la différence de vitesse entre les fluides atmosphérique et océanique donne naissance à des ondes de surface, par transfert d'énergie (existence de tensions frictionnelles).

On peut noter que l'essentiel de l'énergie transférée est utilisée pour la création de ces ondes, alors qu'une petite fraction seulement est utilisée pour créer les courants océaniques. Lorsque les échelles spatiales sont très petites, on parle d'ondes capillaires.


1. Les ondes infinitésimales de surface

La gamme de fréquences (hautes) couverte par les champs de vagues est telle que l'hypothèse hydrostatique n'est pas vérifiée. Par contre l'effet de stratification peut être négligé parce que seules les couches de surface sont affectées par le phénomène. La force de Coriolis peut également être négligée (w / f >> 1). Enfin, l'aspect ondulatoire des grandes houles suggère que les effets non-linéaires sont négligeables vis à vis des termes de tendance temporelle: les vagues constituent un mouvement à propagation rapide.

L'océan peut être considéré comme incompressible (seules les ondes acoustiques demanderaient une prise en compte de la compressibilité du fluide), et on peut alors utiliser le fait que la divergence du champ de vitesse tridimensionnel est nulle.

En prenant le rotationnel de l'équation vectorielle du mouvement, on obtient l'équation d'évolution pour la vorticité, x = Ñ ´ u:

dx/dt - (x·Ñ) u = 0

qui montre qu'une perturbation irrotationnelle (x = 0), en t = 0, le reste indéfiniment. Il est donc possible de considérer que le mouvement des ondes considérées est irrotationnel. Dans ces conditions on peut exprimer le champ de vitesse à l'aide d'un potentiel:

u = Ñ f

L'utilisation de la relation de non divergence permet ensuite d'obtenir:

? f = 0.

C'est une équation de Laplace, linéaire. Ce sont dans les conditions aux limites (vitesse à la surface) que les non linéarités interviennent et donnent toute sa complexité au problème.


Après résolution pour des ondes de petite amplitude a et dans un milieu à profondeur constante H, par exemple par une technique de développement en série de petits paramètres, on aboutit au système:

h1 = a cos (k·x - w t)

w2 = g k (1 + g-1 g k2) tanh (k H)

u1 = Ñ f1

f1 = a w [k sinh (k H)]-1 cosh {k (z + H)} sin (k·x - w t)

où l'on a noté g le coefficient de tension superficielle. Les résultats précédents n'étant valables que pour un paramètre e lié à la cambrure des vagues:

e = a k / tanh (k H) << 1.


2. Les ondes de capillarité et ondes de gravité

Les ondes de capillarité sont par définition celles pour lesquelles le terme g-1 g k2 est prépondérant dans la relation de dispersion précédente. Elles sont gouvernées par les forces de tension superficielle.

Ce sont des ondes très courtes, à la différence des ondes de gravité.

Domaine des ondes de capillarité: g-1 g k2 >> 1

soit pour g = 7.4 10-5 m3/s2, k > 364 m-1 (l < 1.7 cm)

Pour de plus longues longueurs d'onde, on parlera d'ondes de gravité.


3. Domaines de validité des résultats précédents

Selon la valeur de k H, il est possible de distinguer deux régimes possibles (Figure 2).

- Si k H >> 1, on se place en "eau profonde" (notion relative à la longueur d'onde considérée). En pratique, on utilise souvent le critère H > l / 2 (c'est à dire: l < 10 km sur un fond de 5000 m et alors T < 80 s, ou encore l < 20 m sur un fond de 10 m avec T < 3.6 s). On doit aussi avoir e = a k << 1, soit de petites amplitudes. La cambrure de ces ondes est aussi petite (car e est la cambrure, à un facteur près).

La relation de dispersion est alors:

w2 = g k (1 + g-1 g k2)

Pour des ondes de gravité pures, pour lesquelles on ignore g, on peut écrire les expressions pour la pulsation, la vitesse de phase et la vitesse de groupe (Figure 3):

w = ?(g k)

Cj = w / k = ?(g / k)

Cg = ?w/?k = 0.5 ?(g / k) = 0.5 Cj

Ces ondes sont donc dispersives: les ondes les plus longues sont les plus rapides. Il y a donc séparation de la houle.

L'expression de la période est ici: T = ?(2 ? l / g)


- Si k H << 1, on est au contraire en "eau peu profonde". On utilise souvent le critère H < l / 20 pour définir ce cas (l > 100 km pour H = 5000 m et alors T > 7.5 minutes, ou l > 200 m pour H = 10 m avec dans ce cas T > 20 s). On doit alors avoir e = a / H << 1, soit une amplitude petite devant la profondeur locale.

La relation de dispersion devient:

w2 = g k2 H (1 + g-1 g k2)

Pour des ondes de gravité pures, on écrit:

w = ?(g H) k

Cj = Cg = ?(g H)

Le milieu est non dispersif (Figure 4). L'expression de la période devient : T = l / ?(g H).



4. Quelques propriétés intéressantes

- Mouvements orbitaux des particules

L'expression détaillée du mouvement (horizontal et vertical) des particules d'eau est donnée par:

u = a w [k sinh (k H)]-1 cosh {k (z + H)} cos (k·x - w t) k

w = a w [k sinh (k H)]-1 sinh {k (z + H)} sin (k·x - w t) k

En eau profonde, la simplification donne:

u = a w k-1 exp (k z) cos (k·x - w t) k

w = a w k-1 exp (k z) sin (k·x - w t) k

c'est à dire un mouvement circulaire, amorti avec la profondeur.

En eau peu profonde, il vient:

u = a w k -2 H-1 cos (k·x - w t) k

w = a w H-1 (z + H) sin (k·x - w t)

c'est à dire des ellipses qui se tassent vers le fond.


- Énergie moyenne sur une colonne d'eau

On peut définir l'énergie cinétique d'une colonne d'eau par:

Ec = -H?? 0.5 r0 (+ ) dz

où les valeurs soulignées sont des moyennes sur une période (ou une longueur d'onde) de l'onde.

On peut montrer que la troncature de l'intégrale à 0 (au lieu de h) fournit une approximation correcte à l'ordre 2. On écrit donc:

= a2 w2 [k sinh (k H)]-2 cosh2 {k (z + H)} 0.5 k2

= a2 w2 [k sinh (k H)]-2 sinh2 {k (z + H)} 0.5 k2

Il vient donc:

Ec = 0.25 r0 a2 w2 sinh-2 (k H) -H??[sinh2 {k (z + H)}+ cosh2 {k (z + H)}] dz

soit finalement:

Ec = 0.25 r0 a2 w2 k-1 / tanh (k H) = 0.25 r0 g a2 (1 + g-1 g k2)

ou encore pour les ondes de gravité:

Ec = 0.25 r0 g a2


L'énergie potentielle moyenne se détermine à partir de l'intégrale verticale de r0 g, et à partir de l'énergie moyenne d'un état de référence (sans mouvement):

Ep = moyenne (-H?? r0 g·z dz) - -H?? r0 g·z dz

Il vient:

Ep = 0.5 r0 g = 0.25 r0 g a2

Comme pour le pendule non soumis à des forces de dissipation, on retrouve l'égalité entre énergie cinétique moyenne et énergie potentielle moyenne.


L'énergie totale moyenne de la colonne d'eau est alors:

Et = 0.5 r0 g a2


- quantité de mouvement moyenne des ondes

Il s'agit de déterminer:

M = moyenne (-H?? r0 u·dz)

Au premier ordre la quantité de mouvement moyenne est nulle, mais au premier des ordres non nuls il y a bien transfert d'une quantité de mouvement moyenne (provenant entièrement de la région située entre les crêtes et les creux des vagues) dans la direction de propagation de l'onde:

M = 0.5 r0 a2 w tanh-1 (k H) k-1 k



C) Spécificités des vagues


1. Ondes créées par le vent

On distingue la mer du vent (vagues directement forcées par le vent, ou fetch) de la houle (vagues après propagation, loin de la source). Les vagues s'étalent en effet au delà de la zone de formation (appelée fetch), dans la direction du vent, avec un angle d'ouverture de ±30 à ±45°

Empiriquement, les cambrures h/l des vagues créées par le vent sont de l'ordre de 0.03 à 0.06. Plus la vitesse du vent excède celle de la vague, plus cambrée est la vague.

Cependant, la vitesse d'une vague n'est pas associée à sa cambrure, mais à sa longueur d'onde. Plus grande est la longueur d'onde, plus rapide est la vague:

w2 = g k tanh (k H)

? ?(g / k) en milieu profond


Le processus selon lequel les vagues sont créées par le vent est schématiquement le suivant:

- il faut un minimum de vent (environ 1 m/s) pour qu'un champ de vagues apparaisse;

- de petites vagues se forment alors, au fur et à mesure que le vent s'intensifie; ce sont des ondes de haute fréquence, avec une courte longueur d'onde et une faible amplitude ;

- après un temps suffisant, le spectre des vagues est pleinement développé, et ne varie plus beaucoup. Sa fréquence dominante est celle du vent et il faut attendre d'autant plus longtemps pour atteindre cet état quasi-stationnaire que le vent est plus fort

La croissance des vagues (jusqu'à une vitesse d'environ un tiers de celle du vent) est limitée par: 1. le transfert tangentiel d'énergie entre le vent et l'océan (c'est un courant qui se crée); 2. la dissipation d'énergie mécanique par friction; 3. le "moutonnement" des vagues.

Lorsque le champ de vagues est pleinement développé, c'est à dire quand le vent a atteint depuis suffisamment longtemps son intensité maximale, les caractéristiques (direction, vitesse, taille) des vagues ne varient plus.

Des variations dans le champ de vent (direction, intensité) conduisent à l'apparition d'un champ de vagues, superposition de types de vagues différents.

Lorsque le vent tombe, la mer du vent se disperse et se dissipe assez rapidement. Seules les ondes longues aux fréquence voisines ou inférieures à la fréquence dominante du vent se propagent en dehors de la zone où les vagues ont été formées. Ces ondes longues, relativement directionnelles et de spectre en fréquence très étroit forment la houle. La houle peut se propager sur de grandes distances


2. Hauteur de vagues

Puisque le champ de vagues comporte des vagues de caractéristiques (et donc de hauteurs) différentes, il est nécessaire d'avoir une mesure "statistique" de ce paramètre.

Les océanographes retiennent souvent la notion de h1/3, à savoir la hauteur moyenne du tiers supérieur des vagues observé à un endroit donné.

La hauteur maximale observée pour le champ de vagues est aussi un paramètre crucial, dans la mesure où ce paramètre affecte le choix de nombre d'installations portuaires ou de protection côtière. Ainsi, le hmax(25 ans) est une donnée souvent utilisée, mais n'a qu'un sens statistique.

L'échelle de Beaufort (Figure 5) exprime des liens entre force du vent, état de la surface et hauteur des vagues (h1/3). A titre indicatif, un ouragan (vent de force 12, > 32.7 m/s) correspond à h1/3 > 15 m, alors qu'une brise modérée (cent de force 4, entre 5.5 et 7.9 m/s) correspond à h1/3 ? 1.5 m


3. Interaction avec le rivage

Étudions qualitativement l'arrivée d'une vague sur un rivage (Figure 6).

Loin du bord, la vitesse des vagues est donnée par (milieu "profond") et la vitesse à laquelle se propage effectivement l'énergie est moitié moindre. On se place ici dans l'hypothèse H >> k-1 = l / 2?.

À proximité du rivage (profondeur H), la bathymétrie est telle que la vitesse des vagues, et de l'énergie, devient égale à , avec H << l / 2?, c'est à dire bien plus faible que ce qu'elle est au large.

Si le flux d'énergie (produit de la vitesse de groupe par l'énergie, en h2) est conservé au niveau de la transition entre le large et la côte, il faut que ce ralentissement des vagues s'accompagne d'une augmentation de leur taille (typiquement d'un facteur 1.5 à 2).


4. Phénomènes de réfraction

Une vague se rapprochant du rivage va éventuellement se propager avec un angle avec les courbes isobathes. En milieu peu profond (H << l / 2?), la vitesse de la vague est seulement déterminée par la profondeur locale, et une ligne de crête va ainsi se déformer selon l'angle d'attaque.

L'effet moyen est en fait de rabattre la ligne de crête parallèlement au rivage, car c'est la partie de la vague sur la zone la moins profonde qui est la plus lente.

La loi de réfraction est de type Snell (comme pour les ondes sonores dans l'eau). En désignant par q l'angle entre la direction d'incidence et les isobathes, on a:

Si l'on désigne par rayon les lignes perpendiculaires aux lignes de crête, le resserrement de deux rayons (enserrant une ligne de crête) va correspondre à une augmentation de la taille de la vague (puisque le flux d'énergie doit être conservé). Au contraire une région où les rayons divergent est une région peu propice au développement de forte houle. En effet le flux d'énergie est ici donné par le produit de la taille de la ligne de crête par le carré de la hauteur de vague.

Cette méthode est couramment utilisée pour l'étude du champ de vagues au voisinage d'un rivage, en effectuant les calculs de rayons pour la période de houle la plus fréquemment rencontrée.

Il est évident que la méthode ne s'applique bien que si les rayons ne se recouvrent pas (on dépasse alors le cadre de la théorie linéaire).


Note: au large, il est possible d'avoir des régions de création de grandes vagues, par resserrement des rayons. Par exemple, un courant de surface intense et localisé dans l'espace, coulant en sens contraire de la direction de propagation des vagues, a tendance à incurver les rayons, qui se mettent alors à converger (avec création de hautes vagues).


5. Tsunamis et seiches

Si le forçage atmosphérique (le vent) est capable de créer des ondes (vagues) à la surface de l'océan, d'autres ondes océaniques sont créées par d'autres types de force.

Les tremblements de terre, fréquents dans le Pacifique, sont susceptibles de produire des vagues de très grande longueur d'onde (plusieurs centaines de kilomètres) appelées tsunamis. Malgré les vitesses très rapides associées (plusieurs centaines de mètres par seconde - faire le calcul avec , pour un milieu considéré "peu profond"), la hauteur de vague n'est que de l'ordre du mètre et n'est pas aisément détectée. Au voisinage de la côte la vitesse diminue, et la hauteur de la vague augmente.


Les seiches sont au contraire des ondes stationnaires, pouvant être considérées comme la somme de deux ondes progressives de directions de propagation opposées (comme la vibration d'une corde de guitare). Elles apparaissent dans les lacs, les estuaires ou les ports, ouverts à la mer sur un bord.

Le phénomène correspond approximativement à l'état de l'eau dans une baignoire dans laquelle on applique continuellement en son centre un mouvement de va-et-vient: le niveau de l'eau est stationnaire au milieu de la baignoire, mais alternativement haut et bas aux extrémités.

Il s'agit d'un phénomène de résonance: la longueur d'onde de la seiche est quatre fois la longueur du bassin: au niveau de l'ouverture du bassin sur la mer apparaît le minimum de déplacement vertical (et maximum de déplacement horizontal), tandis que le maximum de déplacement vertical est à la côte.

Pour un port d'extension moyenne 90 mètres, la longueur d'onde de la seiche associée vaut 360 m.

Pour une profondeur moyenne de 10 mètres, on obtient comme vitesse de phase 9.85 m/s (l'approximation d'un milieu peu profond peut être utilisée car la longueur d'onde considérée est grande). La pulsation est alors 0.172 s-1, ce qui donne une période de 36.5 secondes. Une houle entrant dans le port, de période 18 s est susceptible de créer des phénomènes de résonance, et d'endommager les installations et les navires du port, car la période de résonance du bassin est alors un petit multiple de la période de l'onde incidente.


6. Méthodes de mesure

- instrumentation in situ;

- altimétrie radar, environ 1000 impulsions par seconde (précision de l'ordre de 10% sur le H1/3, une fois déterminée la distance moyenne entre le satellite et la surface de l'océan);

- mesure de rugosité par effet Doppler (angle d'incidence radar oblique);

- photographies dans le visible.



D) Les marées


1. Présentation

Très tôt l'homme a constaté la régularité des marées qui entraînent une élévation du niveau de la mer, parfois de plusieurs mètres, à peu près deux fois par jour. La marée dominante (semi-diurne) a en fait une période de 12h25', ce qui fait que l'heure de la marée haute change régulièrement.

Toutefois les observations montrent que la marée haute survient toujours un nombre fixe d'heures avant ou après le passage de la lune au dessus du méridien local. La relation avec celle-ci est donc évidente.

Les marées sont les ondes océaniques associées aux longueurs d'onde les plus longues, avec une période de plusieurs heures.

La force génératrice des marées est la différence qui existe localement à la surface de la Terre entre l'attraction d'un astre (Lune ou Soleil) et la force centrifuge associée au mouvement excentrique du système Terre - Lune ou Terre Soleil autour de son centre de gravité.


2. L'exemple des marées lunaires

Le dipôle Terre-Lune effectue une rotation autour de son centre de masse en 27.3 jours. Cela veut notamment dire qu'un point à la surface de a Terre voit la Lune au zénith toutes les 24 + 24/26.3 heures, soit toutes les 24h50' environ: en l'espace de 24 heures, la Lune s'est en effet déplacée du fait de la rotation du dipôle. C'est cette fluctuation qui est à l'origine de la marée lunaire notée M2.

La force centrifuge en chaque point de la surface terrestre est la même (en intensité et en direction).

Par contre la force de gravité est maximale pour les points au "voisinage" immédiat de la Lune, et minimale aux points les plus éloignés. Au centre de la Terre, la force de marée est virtuellement nulle.

Pour un point à la surface terrestre on a comme expression de la force de centrifuge:

Fc = G M1M2 / a2

et pour expression de la force gravitationnelle

Fg = G M1M2 / { (a - R cos y)2 + (R sin y)2 }

y désigne l'angle de la direction du rayon terrestre avec l'axe Terre-Lune, où R désigne le rayon de la Terre, et où a désigne la distance Terre-Lune (Figure 7).


3. Projections horizontale et verticale du bilan de force

Il est possible d'étudier en détail les projections de ces deux forces sur un repère local (composantes horizontale et verticales de la force de marée) (Figure 8).

La composante verticale est extrémale (dirigée vers le haut) pour y=0° et 180°, extrémale (dirigée vers le bas) pour y=89.9°, et nulle pour y=54.7° et 125.2°.

La composante horizontale est nulle pour y=0°, 89.9° et 180°. Elle est maximale en y=45.0° et 134.8°. En ces deux points c'est réellement une force de traction horizontale qui s'exerce sur l'océan, a priori non contrecarrée. Puisqu'il y a deux points où simultanément la force de traction est maximale, la marée M2 s'avère semi-diurne.

La composante verticale de la force de marée est environ 107 fois plus faible que la force de gravité, et a donc un effet négligeable. La force motrice de marée aux points de la Terre dans l'alignement de l'axe Terre-Lune est négligeable.


4. Ellipsoïde induit par la force de marée

Si un état d'équilibre devait être atteint, en l'absence d'effet de rotation de la Terre, l'océan prendrait la forme d'un ellipsoïde, avec son grand axe dans la direction Terre - Lune, bien que les forces de marée soient minimales aux deux points de la Terre situés sur l'axe Terre - Lune.

En fait, la Terre est en constante rotation, et la situation d'équilibre n'est jamais atteinte.

Pour maintenir une position constante de l'ellipsoïde (par rapport à la Lune), il faut qu'il se déplace à la surface de la Terre avec la même période de rotation que celle de la Terre par rapport à la Lune.

Cette période est d'environ 24 heures et 50 minutes (compte tenu de la période de rotation du système Terre - Lune autour de son centre de masse, égale à 27.3 jours). En assimilant les marées à des ondes en eau peu profonde, cela demande une vitesse de l'ordre de 450 m/s, soit des profondeurs océaniques supérieures à 20 km (jamais vérifié).

Néanmoins, ces constantes de temps expliquent pourquoi, en de nombreux endroits, les hauteurs des vives eaux sont décalées d'environ une heure chaque jour.


5. Variabilité des paramètres lunaires

La déclinaison de la Lune: l'astre n'est pas dans le plan de l'équateur, mais son orbite fait un angle de 28° avec le plan équatorial. Période d'un cycle de montée et de descente dans le ciel: 27.2 jours.

Le caractère elliptique de l'orbite de la Lune: la force de marée est augmentée de 20% environ lorsque la Lune est à son périgée (distance minimale de la Terre), et réduite de 20% lorsqu'elle est à son apogée. Période du cycle = 27.5 jours.


6. Marées solaires

Tout comme la Lune exerce une force de marée sur la Terre, le Soleil produit une force environ égale à 0.46 fois celle de la Lune (bien que beaucoup plus lourd que la Lune, le Soleil est néanmoins à une distance très grande, ce qui limite l'effet de la marée solaire).

Selon la position des astres, les marées lunaire et solaire peuvent s'additionner ou se soustraire (Figure 9).

Les marées les plus intenses sont obtenues par superposition lorsque les deux astres sont en conjonction (pleine lune) ou en opposition (nouvelle lune).

Au contraire, lorsque les deux astres sont en quadrature, les deux effets ne se superposent pas.

En tenant compte de l'ensemble des paramètres qui affectent le mouvement des astres par rapport à la terre, on peut arriver à une situation "optimale" pour laquelle l'intensité des marées est maximale (dans l'absolu). Le prochain tel état ne sera atteint qu'en l'an 6580... mais correspondrait à une augmentation de 20% de l'amplitude maximale des marées.


7. Limitations de la méthode

Dès Newton, qui formula les premières théories gravitationnelles des marées, les scientifiques se sont aperçu que les résultats théoriques ne recoupaient pas correctement les observations. Les raisons en sont multiples:

- Les ondes de marée ne se propagent pas assez vite pour assurer un équilibre ellipsoïdal théorique (dans l'axe Terre - Lune). La vitesse théorique maximale est 230 m/s en plein océan (et moins dans les zones côtières, moins profondes). De plus les masses d'eau ont leur propre inertie et ne répondent pas instantanément à l'effet de traction de la force de marée.

- la présence des continents est un autre obstacle au développement des ondes de marée.

- les effets de rotation de la Terre (et notamment la force de Coriolis) incurvent les courants de marée.

- l'effet du vent sur la marée (renforcement ou atténuation).


8. Théorie dynamique des marées

Les modèles de prévision de marées essaient en fait de prendre en compte l'ensemble des effets juste évoqués.

La solution des équations complètes est ainsi très complexe.

L'effet combiné de la force de Coriolis et de la géométrie des bassins définit l'existence de points amphidromiques autour desquels les ondes de marée se développent.


9. Méthode harmonique

La marée étant le résultat de l'action de la Lune et du Soleil sur la Terre, le cycle est répétitif et met en jeu l'ensemble des cycles associé aux mouvements des astres. Le signal total de marée est ainsi la somme de signaux "partiels" (près de 400 !), qui ont chacun une amplitude et une phase déterminées en un point donné (Figure 10).

C'est la méthode la plus couramment adoptée pour les prévisions des marées dans les zones portuaires.


10. Usines marémotrices

De l'énergie électrique peut être produite à partir du flux montant ou descendant de la marée: des turbines sont entraînées par la force de la marée et créent du courant électrique.

L'amplitude des marées en un point donné doit excéder 5 m pour que l'usine soit économiquement rentable. Cela introduit de très grosses contraintes sur le choix des sites possibles (amplitude suffisante des marées + environnement géographique adéquat). L'impact sur l'environnement (du fait de la construction du barrage) doit aussi être contrôlé: courants affectés, mouvements des sédiments.

L'usine marémotrice de la Rance est en activité depuis 1966.



Légende des Figures


Figure 1:

Types d'ondes de surface, en fonction de leur longueur d'onde ou de leur fréquence.


Figure 2:

Milieu "profond" et milieu "peu profond"; caractéristiques des ondes respectives.


Figure 3:

Vitesses de phase et vitesse de groupe (a), période (b) de trois ondes qui diffèrent par leur longueur d'onde (respectivement 10 m, 100 m et 1000 m).


Figure 4:

Période, vitesse de phase et vitesse de groupe, en fonction de la profondeur locale et de la longueur d'onde considérée (échelles logarithmiques). Le quatrième diagramme permet notamment à partir de la connaissance de la période de l'onde de suivre l'évolution de sa vitesse quand elle se rapproche d'un rivage.


Figure 5:

Échelle de Beaufort; et caractéristiques des vagues associées.


Figure 6:

Phénomène de réfraction la houle au voisinage d'une côte; le profil bathymétrique (a) affecte la vitesse de la houle, et donc modifie le chemin des rayons associés (b).


Figure 7:

Force centrifuge et force de gravitation donnent naissance à la force de marée.


Figure 8:

Composantes horizontale et verticale (dans un repère local) du bilan de la force centrifuge et de la force de gravitation.


Figure 9:

Différentes configurations pour le système Terre - Lune - Soleil, affectant l'amplitude totale des marées à la surface de la Terre.


Figure 10:

Différents signaux de marée observés dans quelques ports. Selon l'endroit considéré, le signal dominant peut être de type diurne, semi-diurne, ou encore mixte.


16 septembre 11, 2003